Déclaration de Xi'An sur la Conservation du Contexte des Construtions, Sites, et Secteurs Patrimonaux Imprimer
Écrit par Gaëtan Juillard   
Mercredi, 30 Mai 2007 18:23
Adoptée à Xi’an, Chine par la 15ème Assemblée Générale de l’ICOMOS le 21 octobre 2005 (Ajustements finaux – le 22/10/2005)

Réunis dans l’ancienne ville de Xi’an (Chine) du 17 au 21 octobre 2005 sur l’invitation d’ICOMOS Chine, à l’occasion de la 15ème Assemblée Générale de l’ICOMOS et des célébrations marquant le 40ème anniversaire de son engagement de longue date pour la sauvegarde et la conservation du patrimoine culturel à travers le monde comme partie intégrale de son développement durable et
humain ;

Bénéficiant de l’apport diversifié des cas et des réflexions mis en commun lors du symposium international de l’Assemblée Générale sur les Monuments et sites dans leur milieu – Conserver le patrimoine culturel dans des villes et des paysages en mutation et profitant de la vaste expérience des autorités, des institutions et des spécialistes de la Chine et du monde entier en matière de gestion et de conservation de constructions, de sites et de secteurs patrimoniaux tels que les villes historiques, les paysages terrestres ou maritimes, les routes culturelles et les sites archéologiques dans le contexte d’une accélération du changement et du développement ;

Prenant note de l’intérêt professionnel et international pour la conservation du contexte des monuments et des sites tel qu’il est exprimé dans la Charte internationale pour la conservation et la restauration des monuments et des sites – la charte de Venise (1964) – et dans les nombreux textes qu’elle a inspirés, notamment par l’intermédiaire des comités nationaux et internationaux de l’ICOMOS, ainsi que dans le Document de Nara sur l’authenticité (1994) et les conclusions, recommandations et déclarations de réunions internationales sur les villes historiques (Hoi An Declaration on the Conservation of Historic Cities in Asia, 2003), sur les programmes de reconstruction suite aux catastrophes (Declaration on the recovery of Bam’s cultural heritage, 2004), et sur le tourisme et les secteurs patrimoniaux (Seoul Declaration on Tourism in Asia’s Historic Towns and Areas, 2005) ;

Notant les références relatives au concept du contexte dans les conventions et les recommandations de l’UNESCO comme la Recommandation concernant la sauvegarde de la beauté et du caractère des paysages et des sites (1962), la Recommandation concernant la préservation des biens culturels mis en péril par les travaux publics ou privés (1968), la Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine (1976), la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003) et plus précisément la Convention du patrimoine mondial (1972) et ses Orientations où « situation et cadre » figurent parmi les attributs de l’authenticité des biens, avec l’exigence d’une protection adéquate du contexte par la mise en place de zones tampons, et l’opportunité permanente que représente cette convention pour une coopération internationale et interdisciplinaire entre l’ICOMOS, l’UNESCO et les autres partenaires ainsi que pour des progrès sur des sujets comme l’authenticité ou la conservation des paysages urbains historiques exprimée notamment dans le Mémorandum de Vienne (2005) ;

Soulignant la nécessité de répondre adéquatement à la transformation rapide et graduelle des villes, des paysages et des routes d’intérêt patrimonial, suite au changement des modes de vie ou de l’agriculture, au développement, au tourisme ou aux catastrophes d’origine naturelle ou humaine, et le besoin de reconnaître, de protéger et d’assurer le maintien de la présence significative des constructions, de sites ou de secteurs patrimoniaux dans leur contexte comme moyen de minimiser les menaces que ces processus de transformation constituent à l’encontre du patrimoine culturel dans toute la richesse de son authenticité, de sa signification, de ses dimensions, de son intégrité et de sa diversité,

Les participants à la 15ème Assemblée Générale de l’ICOMOS, adoptent cette Déclaration de principes et de recommandations, et l’adressent aux organisations intergouvernementales et non gouvernementales, aux autorités nationales et locales ainsi qu’à toutes les institutions et les spécialistes aptes à contribuer par la législation, par les pratiques, par les processus d’aménagement et de planification et par la gestion à une meilleure protection et conservation dans leur contexte, des constructions, des sites et des territoires patrimoniaux du monde.
Reconnaître l’apport du contexte à la valeur des monuments, des sites et des secteurs patrimoniaux

1. Le contexte d’une construction, d’un site ou d’un secteur patrimonial se définit comme étant l’environnement immédiat ou distant qui participe ou contribue à sa signification et à sa singularité.

Au-delà des aspects physiques et visuels, le contexte comprend l’interaction avec l’environnement naturel, les pratiques sociales ou spirituelles passées ou actuelles, les coutumes, le savoir traditionnel, l’usage, les activités et d’autres formes ou expressions tenant du patrimoine culturel immatériel qui ont créé et façonnent l’espace ainsi que le milieu culturel, social et économique actuel et dynamique.

2. Les constructions, les sites ou les secteurs patrimoniaux de différentes échelles, comprenant les édifices ou aménagements individuels, les villes ou paysages urbains historiques, les paysages terrestres ou maritimes, les routes culturelles et les sites archéologiques tirent leur signification et singularité de leurs dimensions sociales et spirituelles, historiques, artistiques, esthétiques, naturelles, scientifiques, culturelles ou autres telles qu’elles sont perçues. Ils tirent également leur signification et leur singularité de leurs relations significatives avec leur milieu physique, visuel, spirituel ou culturel.

Ces relations peuvent être le résultat d’un acte créateur conscient et planifié, de croyances ou pratiques spirituelles, d’événements historiques, de l’usage ou d’un processus cumulatif et organique à travers le temps et les traditions culturelles.

Comprendre, documenter et interpréter le milieu dans divers contextes

3. Comprendre, documenter et interpréter le contexte de toute construction, site ou secteur sont des actes essentiels à la définition et à l’appréciation de leur intérêt patrimonial.

La définition du contexte exige de comprendre l’histoire, l’évolution et le caractère des environs d’un bien patrimonial. Elle appelle un processus qui prenne en compte de multiples facteurs tenant autant de l’expérience des approches et des abords que du bien patrimonial en tant que tel.

4. Comprendre le contexte de manière inclusive demande une approche multidisciplinaire et l’utilisation de sources d’information diversifiées.

Les sources comprennent les registres et les archives formels, les descriptions artistiques ou scientifiques, l’histoire orale et le savoir traditionnel, les perspectives des communautés locales et associées tout comme l’analyse des vues et perspectives. Les traditions culturelles, les rites, les pratiques ou concepts spirituels tout comme l’histoire, la topographie, l’environnement naturel, les usages et autres facteurs contribuent à décrire l’éventail des intérêts et des dimensions matérielles et immatérielles du contexte.

L’identification du contexte devrait présenter son caractère et ses diverses dimensions ainsi que sa relation au bien patrimonial.

Développer des outils et des pratiques d’aménagement et de planification pour conserver et gérer le contexte

5. La mise en oeuvre d’outils efficaces de législation, de planification, d’ordre politique, de stratégies et de pratiques propres à assurer une gestion durable du contexte requiert une cohérence et un suivi dans leur application tout en répondant aux particularités locales et culturelles.

Les outils qui servent à gérer le contexte des biens patrimoniaux comprennent des mesures législatives, la formation de professionnels, le développement de plans et systèmes de conservation et de gestion complets et l’utilisation de méthodes d’évaluation d’impacts qui traitent adéquatement du patrimoine.

6. La législation, la réglementation et les directives pour la protection, la conservation et la gestion des constructions, des sites et des secteurs d’intérêt patrimonial devraient prévoir la mise en place d’une zone de protection ou zone tampon définie en fonction de l’intérêt et du caractère spécifique de leur contexte.

7. Les instruments pour la planification devraient intégrer des mesures de contrôle efficace pour contrôler l’impact de changements progressifs ou rapides sur le contexte.

Les silhouettes, les vues ou le dégagement entre tout nouveau projet public ou privé et des constructions, des sites et des secteurs patrimoniaux sont des considérations essentielles à avoir pour prévenir les intrusions visuelles et spatiales ou des usages inadéquats dans un contexte chargé de signification.

8. Les études d’impact sur le patrimoine devraient être requises pour tout nouveau projet qui pourrait affecter la signification des constructions, des sites et des secteurs patrimoniaux ou de leur contexte.

Les projets aux abords ou dans le contexte de constructions, de sites ou de secteurs patrimoniaux devraient être traités de manière à ce qu’ils contribuent à leur signification et à leur singularité.

Suivre et gérer le changement qui porte atteinte au milieu

9. La nature constante des changements touchant le contexte des constructions, sites et secteurs patrimoniaux demande un suivi et une gestion continue du rythme et des impacts particuliers ou cumulatifs.

Les transformations progressives et rapides des paysages urbains et ruraux, des modes de vie, des économies et de l’environnement naturel peuvent porter une atteinte substantielle voire irrémédiable à l’apport authentique du contexte à l’intérêt patrimonial d’une construction, d’un site ou d’un secteur.

10. L’évolution du contexte d’une construction, d’un site ou d’un secteur patrimonial doit être gérée de manière à lui conserver sa signification et sa singularité.

Gérer la transformation du contexte des constructions, sites ou secteurs patrimoniaux ne signifie pas faire obstacle à tout changement.

11. Le suivi devrait amener des méthodes et des actions pour évaluer et mesurer la dégradation, la perte de signification ou la banalisation, mais aussi pour les prévenir ou y remédier et pour proposer des améliorations dans les pratiques de conservation, de gestion et d’interprétation.

Des indicateurs qualitatifs et quantitatifs devraient être définis pour évaluer l’apport du contexte à l’intérêt patrimonial d’une construction, d’un site ou d’un secteur.

Les indicateurs de suivi devraient couvrir les aspects physiques comme les vues, la silhouette urbaine, les espaces libres, la pollution atmosphérique ou sonore ainsi que les aspects économiques, sociaux et culturels.

Œuvrer avec les communautés locales, interdisciplinaires et internationales pour une sensibilisation et une meilleure conservation et gestion du contexte

12. La coopération et l’engagement des communautés locales et associées sont nécessaires pour élaborer des stratégies durables pour la conservation et la gestion du contexte.

L’interdisciplinarité devrait être promue comme pratique normale de conservation et de gestion des contextes ; par exemple, en mettant à contribution les domaines de l’architecture, de la planification urbaine et régionale, de la gestion des paysages, de l’anthropologie, de l’histoire, de l’archéologie, de l’ethnologie, de la muséologie ou des archives.

La coopération avec les institutions et les spécialistes du patrimoine naturel est aussi encouragée pour une bonne pratique d’identification, de protection, de présentation et interprétation des constructions, sites et espaces patrimoniaux.

13. La formation professionnelle, l’interprétation, l’éducation et la sensibilisation du public devraient être encouragés afin de soutenir cette coopération et de partager les connaissances tout autant que pour promouvoir les objectifs de la conservation et accroître l’efficacité des instruments de protection, des plans de gestion et autres outils.

L’expérience, le savoir et les outils élaborés dans le cadre des démarches et processus de conservation des constructions, des sites et des secteurs patrimoniaux devraient être étendus pour aider à la gestion de leur contexte.

Des ressources devraient être allouées pour la recherche, l’évaluation et la planification stratégique nécessaire à la conservation et à la gestion du contexte des constructions, des sites et des secteurs patrimoniaux.

La sensibilité à l’importance du contexte dans toutes ses dimensions matérielles et immatérielles est la responsabilité partagée des professionnels, des institutions, des communautés locales et associées qui devraient prendre en considération tous ses aspects lors de la prise de décision.
Mise à jour le Jeudi, 31 Mai 2007 20:16