L'Archéologie, c'est la lettre «A» de l'alphabet culturel Imprimer
Écrit par Catherine Lara, Gaëtan Juillard   
Jeudi, 24 Mai 2007 10:26

Claude Lara est l’actuel Directeur Général de la Direction de Promotion Culturelle du Ministère des Affaires Étrangères équatorien. Il nous livre ici sa vision de la valorisation, la promotion et la protection de la culture, et plus particulièrement du patrimoine culturel, partie intégrante de l’identité équatorienne, « indéfinissable » par nature.

Entretien avec un homme qui n’a pas peur d’affirmer les vérités et les difficultés qu’il rencontre, mais aussi les espoirs qu’il entretient dans son travail quotidien au service de la culture équatorienne.

Arqueología Ecuatoriana : Quelle est la mission de la Direction de Promotion Culturelle du Ministère des Affaires Étrangères ?

Claude Lara : La Direction de Promotion Culturelle, comme son nom l’indique, a pour première mission la… « promotion culturelle ». Notre tâche principale est donc de promouvoir culturellement l’Équateur. Au travers de publications, de films, de la musique, etc. Nous diffusons par exemple des livres sur la musique équatorienne, sur Quito et Cuenca, (patrimoines de l’humanité), sur le patrimoine culturel et naturel, ainsi que sur l’Équateur en général. Nous avons numérisé l’ensemble de ce matériel : nous avons aussi réalisé des compilations de musique équatorienne folklorique et populaire, des vidéos, des livres sur Quito, (première ville classée patrimoine mondial de l’humanité avec Cracovie, en Pologne), qui sont disponibles dans les ambassades et sur notre site Internet.

Nous avons créé dans chaque ambassade un fonds cinématographique avec le cinéaste Camilo Luzuriaga, ainsi que d’autres cinéastes qui nous ont donné des films, également traduits en anglais et en français pour des festivals internationaux. Par ailleurs, nous avons aidé à la reproduction de livres et de documents divers, à la mise en place de sites Internet et de bibliothèques virtuelles, etc.

L’autre volet de la promotion culturelle passe par les artistes. Premièrement, les faire connaître, ainsi que leurs œuvres, auprès de nos ambassades et consulats. Puis les promouvoir à l’étranger, lors des divers événements culturels. Les consulats et ambassades réalisent ce travail en permanence, et nous sommes à leur disposition pour répondre à leurs demandes. Bien sûr, cela entraîne toujours des difficultés, en ce qui concerne les fonds, par exemple : nous avons un budget extrêmement réduit. Il en est de même pour nos ambassades. Nous devons donc travailler avec des entreprises, des sponsors, des mécènes, etc. Voici les deux grands points de la politique de promotion culturelle vers l’étranger.

Il y a aussi un rôle pour la Direction de Promotion Culturelle à l’intérieur du pays. Les établissements éducatifs étrangers (collèges français, allemand, américain…) vont recevoir nos publications, disques, livres, vidéos. Bien évidemment, ces établissements vont promouvoir leurs propres cultures, leurs propres langues, mais nous souhaitons qu’ils aient également un fonds documentaire culturel sur l’Équateur. Nous avons agi de même avec les organismes et associations internationaux (la Unión Latina, par exemple, chargée de promouvoir la culture latine), les ambassades étrangères et les ministères des affaires étrangères des autres pays, afin qu’il puissent également promouvoir l’Équateur auprès de leurs compatriotes et diplomates.

Nous offrons également des ouvrages aux écoles et collèges équatoriens. Par exemple, il y a peu de temps, nous étions à Huigra à l´occasion du centenaire de sa fondation et nous avons offert plus de 750 ouvrages aux établissements de la région concernant le Ferrocarril más difícil del mundo. Nous avions invité le Consul américain, car sans l’aide des ingénieurs américains, ce chemin de fer n’aurait jamais vu le jour.

Pour résumer, nous avons une action « externe » — la plus importante, bien sûr — mais aussi une action interne à travers la collaboration avec les différentes commissions culturelles étatiques (Commémorations Civiques…). Souvent, le Ministère des Affaires Étrangères est perçu comme un peu lointain, nous essayons donc — au niveau du pays — de réduire cette distance et d’apporter nos compétences.

A. E. : Quelle est votre vision du patrimoine, de sa valorisation et de sa protection à la Direction de Promotion Culturelle ?


C. L. : Aujourd’hui, il s’agit de quelque chose de nouveau et de très important. La promotion du patrimoine devient de plus en plus un sujet dominant pour la Direction de Promotion Culturelle et la politique de promotion culturelle de l’Équateur.

Comme vous le savez, l’organisme responsable du patrimoine archéologique est l’Institut National du Patrimoine Culturel (INPC). Nous avons cependant un rôle d’information et de coordination avec l’INPC et l’INTERPOL.

Nous demandons donc à nos ambassades et consulats d’identifier toutes les ventes illégales ou considérées comme telles pour disposer — au minimum — d’une information globale à partager avec l’INTERPOL concernant les ventes illégales d’objets d’art d’origine équatorienne et plus généralement, de tout ce qui a trait au patrimoine.

Nous avons également un rôle de coordination de la lutte contre le vol et la vente du patrimoine équatorien. Ainsi, dès que des collections sont repérées, nous aidons l’INPC à identifier ces pièces. Il faut que des spécialistes se déplacent ; ce qui est coûteux et difficilement réalisable, car l’INPC ne dispose que de moyens très limités.

Récemment, en collaboration avec le département de protection du patrimoine de la police italienne, nous avons récupéré 170 pièces à Milan La Banque Centrale a réalisé une exposition sur ces pièces, rapatriées en 2005. De leur côté, les Carabiniers italiens ont organisé un séminaire sur la protection du patrimoine avec la collaboration de la Unión Latina et les différentes autorités équatoriennes.

La protection du patrimoine est un sujet qui suscite de plus en plus d’intérêt, parce que le trafic illégal est très puissant, très riche, et l’État équatorien n’a pas toujours les moyens et les facilités dont disposent les commanditaires de ce trafic. Notre mission est dans un premier temps d’identifier ces pièces, puis de les faire authentifier et lancer toutes les actions légales pour bloquer les ventes, prouver que les vendeurs sont des trafiquants — ce qui n’est pas facile —, justifier de l’authenticité des pièces et de leur sortie illégales du territoire, alors qu’il n’existe aucun registre et uniquement quelques dispositions légales générales interdisant la sortie des pièces archéologiques du territoire équatorien.

A. E. : Concernant la promotion du patrimoine, comment envisagez-vous la promotion du patrimoine culturel à étranger ? Existe-t-il des politiques spéciales en fonction de chaque pays ?


C. L. : Nous la réalisons au travers de la culture en général et des moyens à notre disposition (sites Internet, disques, publications, films). Mais il y a un nouveau phénomène qui vient d’apparaître, c’est la création du Ministère de la Culture. Auparavant, le système équatorien de promotion culturelle était totalement décentralisé : la municipalité de Quito fait quelque chose, la Casa de la Cultura Ecuatoriana a des noyaux dans chaque province, le Ministère de l’Éducation dispose lui aussi de nombreuses commissions.

C’est le Ministère de la Culture qui doit centraliser et créer ce que nous n’avons pas maintenant : une politique publique de valorisation, de promotion et de protection du patrimoine. Car avec la décentralisation, aucun organisme n’avait ni les moyens, ni le personnel, ni les compétences pour avoir une vision, une connaissance de tout le patrimoine culturel équatorien.

Le Ministère de la Culture est en voie de création. Il a reçu les fonds pour initier quelques actions et sera, sans aucun doute, le centre de la promotion et de la valorisation culturelle. Il sera amené à savoir ce qui se passe dans l’ensemble du pays pour réaliser des catalogues, des archives ainsi qu’à donner les premières instructions.

Auparavant, nous étions l’organisme centralisateur d’une centralisation qui n’existait pas. Maintenant, nous travaillons en étroite relation avec le Ministère de la Culture. Le Ministère de la Culture va avoir cette tâche et nous n’aurons qu’à projeter à l’extérieur les grandes lignes et les actions concrètes que va nous indiquer le Ministère de la Culture. Nous sommes actuellement en phase de coordination, d’élaboration et de formation pour partager notre expérience et notre documentation en ce qui concerne la politique du Ministère de la Culture. Je pense que dans 2 à 3 ans, le Ministère de la Culture sera bien installé, avec son personnel et ses équipements, et aura obtenu une aura politique et culturelle nationale qui lui permettra de définir sa politique et son rôle précis auprès de l’ensemble des acteurs concernés.

A. E. : Ces derniers temps, on parle beaucoup « d’Identité culturelle ». Qu’en pensez-vous ? Comment la Direction de Promotion Culturelle fait-elle face à ce concept ?

C. L. : Nous, diplomates, sentons que la notion « d’Identité culturelle » est un thème majeur. On cherche toujours à savoir qui l’on est. C’est un thème à la fois mystérieux et infini.

On considère qu’on n’en fait pas assez. Que l’on ne sait pas très bien ce que l’on fait, où l’on va. Mais cela fait partie de la problématique culturelle. Il ne faut pas trop s’en inquiéter. Aucun individu, aucune nation, aucun pays ne peut dire : « Moi je suis A, B, C. », parce que l’Identité culturelle est indéfinissable. Mais nous participons activement à la tentative de définition de cette identité.

En ce qui concerne la promotion, nous ne prétendons pas dire : « L’Équatorien ou l’Équatorienne c’est A, B, C, D. » Ce que nous pouvons dire, c’est que l’Équateur « c’est plus de 10 000 ans de culture, c’est cela en littérature, cela en archéologie… » Nous leur donnons tout le matériel dont nous disposons pour que nous puissions, tous ensemble — Équatoriens et étrangers —, en débattre afin de répondre à ces questions : quelle était l’identité équatorienne au XIXème siècle ? au XXème siècle ? Avant ? Depuis quand pouvons-nous parler d’identité équatorienne ? Est-ce que les civilisations précolombiennes font partie de l’identité équatorienne ? À vous d’en débattre. Nous, nous ne cherchons pas à obtenir le monopole du sujet. Nous ne sommes pas compétents pour cela. Ce qui nous intéresse, c’est que vous disposiez de tout le matériel disponible pour tenter de définir notre identité, ici et à l’étranger.

A. E. : Quelles sont les relations qu’entretient la Direction de Promotion Culturelle avec les autres institutions en charge du Patrimoine Culturel dans et hors du pays ?

C. L. : Il en existe deux types. Celles avec lesquelles nous sommes en permanente en collaboration, et celles avec lesquelles nous souhaitons mettre en place cette collaboration.

Les institutions principales, nous en avons parlé auparavant, sont la Banque Centrale, l’INPC, la Casa de la Cultura, etc. Nous leur demandons simplement ce que nous pouvons promouvoir chez elles. À titre d’exemple, nous avons un accord avec la Casa de la Cultura concernant ses publications. Chaque année, nous envoyons les ouvrages publiés à nos ambassades, qui les redistribuent ensuite auprès des bibliothèques étrangères. Avec le Ministère de l’Éducation, nous apportons une information culturelle à l’intérieur du pays.

Nous cherchons à avoir plus de contact avec le Ministère de la Culture. Notre espoir est qu’il devienne véritablement le centre de la culture équatorienne. Ce ne sera pas facile parce que nous avons toujours vécu dans un système décentralisé. Cela va créer des frictions entre les différents organismes. Nous espérons que le Ministère de la Culture définisse au moins la politique culturelle nationale pour les quatre ans que va durer le mandat de ce gouvernement. Ceci est très important, car le système décentralisé ne permet pas l’organisation et la gestion d’une politique culturelle à moyen terme. En effet, chaque Directeur de Promotion Culturelle fait ce qui lui semble intéressant pour la promotion du pays, sans concertation avec les autres institutions.

A. E. : Il n’y a donc pas de suivi et de logique dans la politique de promotion culturelle ? Aucun lien entre les acteurs ? Aucune politique à moyen et long terme ?

C. L. : C’est l’inconvénient du système décentralisé. Parce que dans ce système, tous les acteurs font leur propre promotion. Cela présente cependant un avantage : il a un grand dynamisme, tout le monde participe. Mais le principal inconvénient reste le même : face à cette promotion variée, différente, et face aux acteurs en jeu, on s’y perd complètement : une année on promeut La Tolita, et la suivante, le cinéma.

Il est de plus presque impossible de coordonner tous ces acteurs parce que nous n’avons pas les moyens, nous n’avons pas le temps, chacun veut défendre l’institution dont il dépend.

A. E. : Légalement, avez-vous la possibilité d’imposer une politique culturelle à l’ensemble des acteurs présents ?

C. L. : Non. Mais nous les contactons lors des commissions mixtes, ou lorsqu’un pays étranger souhaite réaliser un programme d’action sur deux ou trois ans. Dans ce cas, nous leur soumettons la demande de l’État concerné : que pouvez-vous proposer en cinéma, en musique, en littérature ? Dans ce cas, toutes les parties doivent se mettre d’accord, ensemble.

Si nous disposions d’une politique nationale, dont nous souhaitons bientôt bénéficier grâce au Ministère de la Culture, tout serait différent car dans ce cas, la politique culturelle serait définie sur les quatre années que dure le mandat du gouvernement, ainsi que sur un thème précis — par exemple le bicentenaire de l’indépendance —, qui pourrait être décliné dans les différents domaines culturels (littérature, beaux-arts, cinéma, musiques, théâtre…) rattachés au tronc commun. Cette organisation serait beaucoup plus souple.

Pour le moment, nous sommes dans une phase de transition, nous travaillons à la coordination des systèmes pour une meilleure promotion de l’Équateur.


A. E. : Quel accueil est réservé par les pays étrangers à cette promotion, au niveau du patrimoine culturel en général, puis, plus particulièrement, de l’archéologie ?


C. L. : En général, il est très bon, mais nous avons certains handicaps. Parce que notre matériel de promotion n’est publié et reproduit qu’en espagnol et en anglais, nous avons le problème des langues, car il n’est pas vrai que l’anglais domine tout. Il n’est présent qu’à un certain niveau de la société. Nous n’avons malheureusement pas de possibilité de traduire notre matériel en chinois, en japonais, en russe, en coréen. Ceci nous fait énormément défaut, malgré les quelques possibilités qui se présentent occasionnellement. L’ambassade russe, par exemple, a traduit l’ensemble de la liste des objets d’art volés présente sur le site Internet de l’INPC. Mais il s’agit de cas extrêmement rares. La barrière de la langue est un problème sérieux et nous sommes bien conscients que l’on ne touche que certaines sphères de la société. Et surtout, nous ne sommes pas les seuls. Tous les États cherchent à promouvoir leur culture, notamment les pays qui disposent d’une grande industrie culturelle. Il est difficile de lutter, mais, heureusement, il y a la technologie, nous en avons parlé, véritable moyen de promotion qui, à moindre coup, nous permet d’aller partout et d’être connu.

C’est pour nous le grand défi de ce début de XXIème siècle. Au XXème siécle, l’Équateur a fait un effort : se faire connaître, mais le grand défi du XXIème siècle, c’est que grâce à la technologie, nous puissions dire où est l’Équateur, que l’on connaisse grosso modo sa culture, que l’on sache qui sont ses habitants et qu’ils parlent espagnol et quichua, etc.

L’archéologie est quant à elle un phénomène nouveau. Tout d’abord, félicitations pour votre site Internet. C’est un formidable outil de promotion que nous avons diffusé à travers nos ambassades et consulats, et nous allons continuer à le faire car notre principal obstacle, la langue, y est presque inexistant, vu qu’il est disponible en espagnol, en anglais et en français. Commencer la valorisation et la promotion de l’archéologie sous ces trois langues, c’est déjà une couverture sur le monde européen, américain et asiatique, qui est importante pour nous. Espérons que postérieurement, le chinois et le russe s’y ajouteront.

Il y a bien sûr eu des expositions organisées dans d’autres pays durant les dernières décennies, il y a eu des livres traduits dans différentes langues sur l’archéologie équatorienne, etc. Mais un site dynamique, vivant, c’est la première fois et pour nous, cela représente un grand support de la promotion culturelle. L’époque précolombienne est une époque très intéressante et il y a un certain orgueil national à affirmer que nous étions sur ce territoire il y a 5 000 ou 10 000 ans avant Jésus-Christ. Le nombre de pays qui peuvent affirmer cela est réduit sur le continent.

Un site de cette qualité nous permet de renforcer notre identité nationale. De plus, si l’on prend en compte l’attrait touristique de l’archéologie, il nous permet aussi de renforcer l’intérêt des étrangers afin qu’ils viennent nous voir et nous connaître. En cela, l’archéologie, tout comme les autres matières culturelles, est fondamentale.

A. E. : Comment les étrangers perçoivent-ils l’archéologie en Équateur, d’après ce qu’il ont vu et entendu dans leur pays d’origine ?

C. L. : C’est une question difficile, parce que nous ne disposons pas de statistiques. Prenons l’exemple d’une exposition archéologique à l’étranger ; elle est « morte. » Certes, les divers objets que l’on y voit sont bien présentés, bien expliqués, avec de belles cartes. Il manque cependant l’essentiel : où étaient ces objets ? Qui les utilisait ? Comment s’est faite leur évolution en relation avec les gens qui vivaient là, en Équateur ?

Il est évident que lorsque les étrangers viennent en Équateur, ils retrouvent des musées archéologiques, mais ils voient en fin de compte, l’objet dans son milieu géographique et humain. D’après ce que j’ai pu entendre, c’est pour eux une révélation : ils rencontrent les guides, ils découvrent les sites associés à ces artéfacts. Pour eux, il s’agit d’une redécouverte de ces objets dans le pays même, que les gens apprécient énormément, car elle prolonge souvent le premier contact avec l’Équateur qu’ils avaient eu dans leur pays. Les deux aspects se complètent, car nos visiteurs se demandent souvent pourquoi l’on parle si peu de ce pays, qui crée des objets, des vêtements, des outils si bien faits, si bien conservés, réalisés dans des matériaux très durs à travailler…

A. E. : Pour continuer sur le thème des expositions, celles que vous organisez à l’étranger — ou auxquelles vous êtes associé —, sont-elles reçues avec un réel intérêt par le public ? Existe-t-il un réel engouement du public envers la(les) culture(s) équatorienne(s) ?

C. L. : L’expérience de la Direction Culturelle me fait répondre oui, parce qu’il existe de nombreux clichés sur l’Amérique Latine. Il y a des grands pays (Argentine, Brésil, Chili, Pérou), et les gens sont fatigués de voir systématiquement la même chose. Bien sûr, ces pays disposent d’une immense culture. Les gens veulent voir autre chose, et la technologie le leur permet.



L’Équateur a l’avantage d’être un pays qui offre une diversité culturelle variée, très riche, sur une surface réduite, ce qui permet aux touristes de voir trois mondes en une semaine, car il n’y a pas l’obstacle des distances. Nous jouons sur cette carte-là : vous pouvez voir du précolombien, de l’art colonial et contemporain en très peu de temps, en une semaine ou 10 jours, et c’est très apprécié. Les médias cherchent également à savoir se qui se passe en dehors des grands pays du sous-continent. Aujourd’hui, il n’est pas difficile d’obtenir de l’information sur l’Équateur, via Internet, via les bibliothèques, la musique, les films, etc.

Les expositions sur l’Équateur sont toujours un succès, mais ce que nous pouvons déplorer, c’est qu’il n’y en ait pas suffisamment, et ce pour plusieurs raisons, telles que le financement et l’absence d’une politique culturelle nationale. Il nous faut désormais définir cette politique pour le temps que va durer le mandat du gouvernement, afin d’identifier les pays que nous allons cibler et les déplacements de ces expositions à travers les continents. Ce serait surtout à la demande des ambassadeurs et des consuls, et en fonction de l’actualité du pays (commémorations, découvertes scientifiques, festivals, etc.). Nous manquons d’un tissu continu d’expositions sur l’Équateur. Dans ce domaine, tout reste encore à faire.

A. E. : Nous y avions fait allusion précédemment, mais depuis combien de temps l’archéologie fait-elle partie de la politique de diffusion culturelle du Ministère des Affaires Étrangères ?

C. L. : C’est totalement nouveau. Je n’ai pas peur de dire que votre site a été en cela fondamental. Parce qu’avant, bien sûr, nous faisions connaître des archéologues, et les cultures de l’archéologie équatorienne, mais c’était surtout à travers des expositions, des commémorations de grands archéologues équatoriens et étrangers, etc. Le monde archéologique donnait l’impression qu’avec la Direction de Promotion Culturelle, il y avait très peu d´intérêt, que chaque archéologue faisait la promotion de son institution, de son université, de son groupe… Cela semblait suffisant, les grands instituts — comme l’INPC ou la Banque Centrale — servaient juste à faire savoir qu’il existait une archéologie équatorienne, des pièces et des cultures archéologiques, des groupes d’archéologues, et l’on en restait là.

Tandis que maintenant, avec le site Internet Arqueología Ecuatoriana, nous espérons que les milieux universitaires, professionnels, et les éditeurs d’ouvrages d’archéologie vont collaborer plus fortement avec la Direction de Promotion Culturelle. C’est un phénomène nouveau, que l’on applaudit des deux mains, mais il faudrait que les archéologues et les institutions viennent nous voir pour que nous puissions faire mieux connaître l’archéologie équatorienne au travers des artéfacts qu’ils mettent au jour.

Un exemple très simple : les archéologues participent à des conférences partout dans le monde, mais ils ne viennent jamais nous l’indiquer ou nous voir pour être reçus par les ambassades, demander de l’aide pour présenter des pièces, des publications, des vidéos, etc. Pour le moment, nous n’avons pas la possibilité de faire un agenda et un suivi de ces conférences et tables rondes. Nous ne sommes jamais informés. Les archéologues ne viennent pas nous voir alors que par exemple, lors d’un congrès, nous pourrions faire venir l’ambassadeur, les recevoir, faire connaissance et définir des plans d’action pour promouvoir l’archéologie équatorienne dans ce pays, etc.

Malheureusement, à ce niveau, il n’y a pas encore de contacts. Mais à mon avis, les centres culturels, les archéologues, aspirent à ce que leurs conférences soient connues. Si de tels contacts existaient, nous pourrions, à travers nos ambassades, créer une politique de promotion archéologique de l’Équateur. Cela n’existe pas parce que les spécialistes et les institutions de recherche archéologique ne nous font pas parvenir leurs travaux, leurs publications, leurs projets. Nous ne disposons d’aucune information.

A. E. : Vous ne disposez d’absolument aucun contact, d’aucune information ?

C. L. : Non, et tout reste à faire. Vous qui êtes dans le milieu archéologique, il serait souhaitable que vous fassiez passer le message. Les professeurs, les experts, les spécialistes, les muséologues viennent nous voir pour nous dire : « Nous avons trois congrès cette année, au Pérou, au Mexique et en Colombie dans telles universités. Que peut faire la direction culturelle ? » Nous pourrions ainsi les faire connaître de la presse nationale et étrangère durant le congrès, organiser une conférence de presse, les mettre en relation avec les milieux archéologiques et les universités que l’on connaît dans ces pays, trouver des sources de financements… L’ensemble de ce réseau reste à monter.

A. E. : Tout est donc à bâtir ?

C. L. : Pas tout, non, mais disons la partie humaine. Ce que je trouve regrettable, c’est que nous ne soyons pas du tout au courant des conférences, des tables rondes, des expositions de moyennes et petites ampleurs qui ont lieu à l’étranger, organisées par la communauté scientifique équatorienne.

A. E. : En est-il de même pour les musées ?


C. L. : Oui et non. Les musées nous font parvenir leurs bulletins d’information. Mais ce n’est pas la panacée. Il est toujours préférable de voir les responsables.

Certains viennent. Nous avons par exemple aidé les organisateurs de l’exposition sur les grands peintres d’Espagne, au Centre Culturel de l’Université Catholique de Quito. Mais de ce côté, le contact est difficile. Personne ne prend l’initiative de venir nous voir et nous demander en quoi nous pouvons les aider dans leur programmation d’expositions et d’événements culturels. C’est dommage.



Pour en revenir aux archéologues, si nous avions les cycles de conférences des universités, nous pourrions les mettre en relation avec nos ambassades, préparer un plan d’action commun et les aider dans un grand nombre d’aspects, en profiter pour faire des donations de livres, de disques, au centre de documentation de l’Université qui nous reçoit, etc. Ainsi, nous pourrions tous les ans, réaliser une coordination à ce niveau. Nous ne pouvons pas faire de l’archéologie à votre place— ce n’est pas notre domaine d’action —, mais nous pouvons enrichir vos activités de valorisation et les faire connaître. Cela manque et il serait formidable si vous pouviez intéresser vos pairs à cette démarche. La Direction de Promotion Culturelle et les ambassades sont à votre service, les diplomates sont vos représentants. Ils peuvent vous aider à monter des cycles de conférences, des expositions, ou vous faciliter les démarches pour travailler dans le pays. Une fois cette organisation mise en place, les diplomates pourront proposer de réaliser des événements organisés dans un autre pays ou une autre ville, et promouvoir vos activités dans les pays étrangers, lorsqu’ils sont sollicités sur ces thèmes par les états, les universités, les musées. Nous sommes prêts, mais nous avons besoin des informations et des contacts humains, bien entendu.

A. E. : Comment la Direction générale du Ministère des Affaires Étrangères perçoit la promotion de l’archéologie ?

C. L. : Ce qui nous intéresse réellement dans l’archéologie, c’est que l’on parle de l’Équateur et de son histoire. Notre objectif, c’est de promouvoir tout ce qui est équatorien…

A. E. : Mais cette promotion, c’est la Direction générale du Ministère des Affaires Étrangères qui vous la demande, ou est-ce votre propre initiative ?

C. L. : Les deux. L’archéologie nous intéresse tout particulièrement dans le sens où les nations veulent connaître leur origine, leur histoire : « Qui suis-je ? » « Qui étais-je avant ? » « Que s’est-il passé du début jusqu’à l’époque actuelle ? » Tout le monde se pose ces mêmes questions, que l’on soit chinois, japonais, français ou algérien. Ce qu’il y a de bien, c’est que lorsque l’on se pose la question « Qui suis-je ? » on pose en même temps la question « Mais toi, qui es-tu ? » Ce qui implique automatiquement «D’où viens-tu ?» «Quelle est ta culture ? » « Comment a-t-elle évoluée ? » On créé ainsi un dialogue interculturel et, en cela, l’archéologie est fondamentale pour nous, car c’est la lettre « A » de l’alphabet culturel. C’est avec elle que nous pouvons dire « ici commence notre Identité culturelle. »

Nous avons la volonté de créer des collaborations : « Tu souhaites faire de la recherche en Équateur. Il y a des sites, des instituts de recherche, des universités. Viens, Connais-les, vois. Il y a un site Internet, une communauté de chercheurs… » Tout ce qui nous permet de créer des réseaux, que des archéologues étrangers viennent, connaissent les recherches, les difficultés, et apportent leur aide, est pour nous une tache très importante.

A. E. : Il semblerait donc que la place de l’archéologie dans votre politique de diffusion culturelle soit encore relativement réduite ?


C. L. : Elle est réduite parce que nous n’avons pas d’informations de la part des spécialistes, et parce nous ne pouvons pas tout savoir ni tout connaître. Notre objet est la promotion culturelle, mais si les professionnels ne viennent pas nous voir pour nous expliquer ce qu’ils font, où ils vont, etc., nous pouvons difficilement rentrer en contact avec eux et promouvoir leurs travaux.

Ce dont nous avons besoin, c’est de créer des contacts, ici et à l’étranger. Il faudrait réunir à cette table les spécialistes de la discipline et leur dire « Qu’allez-vous faire cette année ? Dans deux ans ? Dans trois ans ? » Il s’agit simplement de coordonner les archéologues, les musées, les centres spécialisés, et se connaître pour préparer la promotion de leur différents événements, travaux, etc., les faire aussi connaître aux ambassades et consulats pour qu’ils les représentent dans des colloques scientifiques internationaux, les grandes expositions.

Pour le moment, il s’agit du domaine réservé de chaque chapelle, et tant que les portes ne s’ouvriront pas, nous ne pourrons rien faire et il n’y aura pas de promotion culturelle archéologique possible. Parce que malheureusement, nous ne connaissons pas beaucoup non plus les sujets précis traités par l’archéologie.

A. E. : Quels sont les projets qu’a récemment soutenus ou organisés la Direction de Promotion Culturelle dans le domaine de l’archéologie ?

C. L. : Il s’agit surtout de grandes expositions. Nous prenons contact avec la Banque Centrale, l’INPC, ou des collectionneurs privés pour qu’ils nous aident, par exemple, à répondre à la demande de l’État espagnol sur l’Équateur ancien et traditionnel à Madrid. Nous sommes ici pour promouvoir et coordonner ces grandes expositions.

Mais nous en restons là, car on ne nous fait pas parvenir les documents de base pour promouvoir les grands centres de recherche équatoriens et la collaboration dont ils ont besoin. Les conférences, les tables rondes qui ont lieu sur le territoire où a l’étranger, on les connaît grâce à votre site internet qui nous informe. Pour l’instant, nous en sommes au niveau zéro de la promotion culturelle du patrimoine archéologique à l’étranger.

A. E. : En ce qui concerne l’aspect plus légal : trafic illicite, protection et récupération des pièces volées, etc., quelle est la politique de la Direction et/ou du Ministère ?

C. L. : Pour le Ministère, il s’agit de renforcer notre coopération avec l’INPC et avec l’INTERPOL car il dispose des antennes lui permettant de surveiller ce qui se passe dans le monde.

Nous allons par exemple réaliser une grande réunion avec le Ministère et l’INPC pour mettre sur pied une politique commune sur les différentes collections qui ont été repérées dans le monde. Nous préparons également un budget annuel pour l’INPC afin qu’il puisse payer les déplacements pour vérification de l’authenticité d’une pièce, les mécanismes légaux (avocats, suivis…), car lorsque l’on dénonce une pièce volée, qu’il s’agit d’une vente aux enchères (entreprise financière), et que vous ne prouvez pas rapidement que cette vente comprend des pièces illégales, cela se retourne contre vous et vous êtes obligé de payer le préjudice économique fait aux vendeurs et à la vente. Il faut bien entendu prévoir le retour des pièces, ce qui est très coûteux, car nous ne pouvons pas les valoriser financièrement (assurance, conditionnement, etc.).

Nous souhaiterions également définir avec l’INPC, nos ambassades et consulats, une politique de protection du patrimoine car pour le moment, elle n’existe pas. Notre politique actuelle consiste à repérer les pièces volées ou sorties illégalement. Mais une politique nationale de protection du patrimoine n’existe pas et il faut la créer, en collaboration avec l’INPC.

A. E. : Pour changer de sujet, quel accueil a réservé la Direction Culturelle au site Internet Arqueología Ecuatoriana ?


C. L. : Il y a deux phases : premièrement, l’accueil du site Internet. Nous n’avons pas reçu les critiques habituelles de nos représentations à l’étranger : « On ne peut pas la promouvoir, car elle n’est qu’en espagnol. » Les critiques ont, au contraire, été très positives, car ce site est traduit dans les trois langues des Nations Unies. Ce qui est très positif pour nous. Certaines de nos représentations nous ont déjà envoyé les noms des institutions auxquelles elles ont fait parvenir l’adresse de votre portail. Nous sommes toujours dans la phase d’information et de diffusion.

Nous allons renforcer cet axe pour bénéficier d’un suivi et maintenir une bonne coordination. C’est en effet un travail nouveau pour nos consulats et ambassades que celui de promouvoir des sites Internet. Il y a une révolution technologique qui n’est pas accessible à tout le monde. Parfois, les autorités ont un certain âge, elles ne comprennent pas très bien l’importance de disposer de ce magnifique instrument de communication, parce que souvent, elles ne l’utilisent même pas. Il y a un problème de génération ; il faut donc insister, convaincre. C’est vraiment un instrument de communication formidable qui fait partie de notre politique de promotion pour le XXIème siècle, un outil pour que l’on puisse mieux connaître l’Équateur.

A. E. : Comment imaginez-vous la coopération avec notre site Internet dans 1 ou 2 ans ?


C. L. : Pour nous, ce qui est important, ce n’est pas l’échéance. Ce qui est important, c’est qu’à travers vous, on puisse connaître et avoir une synthèse de l’archéologie équatorienne. Parce que pour l’instant, nous n’avons pas de meilleur instrument pour répondre à la question : «Qu’est-ce que l’archéologie équatorienne ?».

Dans un ou deux ans, je pense qu’on aura, dans le monde, une connaissance de ce portail électronique, et on saura ce qu’est l’archéologie équatorienne. Insister, communiquer, convaincre les ambassadeurs, les ambassades et consulats, etc. Et, bien sûr, cela dépend aussi de vous, de l’actualisation du site. Il faut continuer car, je le répète, vous êtes pour le moment le seul instrument dont nous disposons pour promouvoir l’archéologie équatorienne et répondre à la question « Qu’est-ce que l’archéologie équatorienne ? »

On pourra alors, passer à un autre stade de collaboration. Une fois la connaissance de ce site Internet au niveau mondial établie, il serait intéressant de réfléchir ensemble sur les actions à entreprendre pour donner une meilleure visibilité et une meilleure connaissance à l’archéologie équatorienne, notamment dans le domaine de la coopération, entre professeurs, étudiants, chercheurs, etc. Ce serait un autre stade.

A. E. : De manière générale, quels sont vos plus grands succès et échecs au niveau de la politique culturelle aussi bien en Équateur qu’à l’étranger ?


C. L. : Notre plus grand succès, c’est que nous avons du matériel, nous avons produit du matériel. Nous venons par exemple de publier un livre sur plus de 100 artistes plastiques équatoriens en deux langues (espagnol et anglais), que nous allons digitaliser. Ce livre viendra compléter le fonds dont nous disposons déjà sur l’Équateur : nous aurons l’Équateur en général, Quito, l’artisanat, tous les arts plastiques (peinture, sculpture, collage…). C’est pour nous un grand succès, d’autant que nous avons mis en place un site Internet avec la commission de Commémorations Civiques où les Internautes peuvent découvrir les versions numérisées de plus de 60 ouvrages des plus grands auteurs équatoriens (écrits et biographies).



Nos limitations : bien sûr le cinéma, parce que c’est une industrie chère, parce que l’on comprend très bien que les auteurs, pour promouvoir leurs films ont besoin de fonds. Nous aurons toujours un « métro de retard » en comparaison des productions qui sortent tous les ans. Il en est de même pour les documentaires et les courts-métrages. Dans ce sens-là, nous travaillons au coup par coup, il n’y pas de politique du film équatorien, pas de politique de promotion culturelle dans ce domaine. Avec les différents prix remportés dans les différents festivals, je suis sûr que cela va finir par arriver.

Nous remportons un succès chaque fois que des artistes sont présents à une fête internationale du livre, à un festival… parce que c’est une vitrine de l’Équateur qui est là.

Une autre limitation : nous ne pouvons pas, nous, établir une politique nationale culturelle, parce que nous travaillons uniquement pour la promotion. Pour l’instant, on crée nos propres expositions, notre propre représentation vers l’étranger, mais il n’y a pas de politique nationale culturelle déterminée et délimité pour pouvoir avancer.

Bien évidemment, la frustration majeure est que nous manquons de moyens pour promouvoir et faire connaître la créativité culturelle équatorienne. La technologie en cela nous aide énormément, car on ne peut pas participer à toutes les grandes expositions et les grands congrès mondiaux. Mais l’électronique va aider nos ambassades à promouvoir l’ensemble de la culture équatorienne et s’en faire les représentants.

A. E. : Comment voyez vous votre mission dans 2, 3 voir 10 ans ? Quelles sont les perspectives de la politique culturelle équatorienne ?

C. L. : Mon espoir est qu’avec la création du Ministère de la Culture et une politique culturelle bien installée, nous devenions une projection du Ministère de la Culture vers l’étranger. Cela nous permettra d’avoir une base, un soutien, pour mieux promouvoir l’Équateur. Nous travaillons très étroitement avec le Ministère de la Culture pour obtenir se résultat.

Il y a également le développement vers le continent asiatique, les pays arabes. Cela serait très intéressant et très important pour nous, car ce n’est pas seulement avec l’anglais que nous nous pourrons nous faire connaître. Il faut connaître la langue de l’autre. Et il serait intéressant pour nous de disposer de matériel et de traductions dans ces langues. Nous sommes en effet absents de ces continents à cause de notre manque de matériel dans ces langues.

De plus, en tant que diplomates, nous sommes soumis aux rotations, je ne sais pas où je serai dans le futur, mais où que l’on soit, nous sommes toujours des ambassadeurs culturels. Où que l’on aille nous aurons toujours cet intérêt pour la promotion de la Culture et les échanges culturels. Nous sommes en permanence en train de promouvoir la culture équatorienne.

Ce texte a été relu et anoté par Claude Lara.

Mise à jour le Mardi, 15 Septembre 2009 07:48